Les recherches menées sur le cancer depuis des décennies ont permis de démontrer que des disfonctionnements dans la régulation de certains gènes sont à l’origine de la prolifération incontrôlée des cellules tumorales, de leur capacité à échapper à l’apoptose (mort programmée des cellules) et de leur inaptitude à acquérir les fonctions spécifiques auxquelles elles sont destinées (différenciation cellulaire). Notamment, il est connu que la cancérisation peut être causée par l’inactivation de certains gènes qui sont maintenus « compactés » autour d’un chapelet de  protéines et restent inaccessibles aux facteurs de régulation (facteurs de transcription) qui les activent naturellement dans une cellule saine. Les responsables de cet état sont des enzymes trop actives appelées HDAC. De nombreuses molécules capables d’inhiber les HDAC ont été découvertes dans le milieu naturel ou synthétisées en laboratoire. Ces  inhibiteurs d’HDAC permettent de « libérer » les gènes du chapelet de protéines et de les réactiver. Des inhibiteurs d’HDAC sont en essai clinique, souvent en association avec d’autres agents anticancéreux et leur action est souvent prometteuse. Cependant, il est nécessaire d’être attentif aux effets que ces molécules peuvent exercer sur les cellules saines car elles touchent à la régulation de nombreux gènes. Au Laboratoire LBMCC, nous étudions l’effet d’un inhibiteur d’HDAC, l’acide valproïque (VPA) sur le système physiologique responsable de la production et du renouvellement des cellules sanguines, l’hématopoïèse. Le VPA est aujourd’hui en phase d’essai thérapeutique en cancérologie, mais il est utilisé depuis plusieurs décennies comme antiépileptique. De fait, ses effets secondaires ont été recensés, notamment au niveau hématologique. Dans ce projet (Télévie) nous utilisons des cellules souches/progéniteurs hématopoïétiques isolés du sang de cordon ombilical. La différenciation érythroïde de ces cellules, processus conduisant à la production des érythrocytes (globules rouges), est reproduite in vitro au laboratoire afin d’étudier l’action du VPA sur cette voie de différenciation (érythropoïèse). Nous avons pu mettre en évidence que le VPA affecte les mécanismes moléculaires qui régulent l’érythropoïèse, alors que la formation des mégacaryocytes (plaquettes) pourrait être favorisée. Nous montrons que cet inhibiteur d’HDAC agit sur les réseaux très complexes de régulation de l’érythropoïèse qui impliquent des facteurs de transcription et de petits acides nucléiques appelés microARN dont la découverte est relativement récente. Des facteurs de transcription et des microARN spécifiquement impliqués dans l’érythropoïèse sont en effet inhibés par le VPA.

Les résultats montrent que le VPA, qui est considéré comme un bon candidat en tant que médicament anticancéreux, pourrait cependant entrainer des complications au niveau hématologique, particulièrement en favorisant l’apparition d’anémie, pathologie déjà fréquente à plus de 33% chez les patients atteints d’un cancer.